Soudan : l’armée annule ses accords avec les contestataires et appelle à des élections

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Un manifestant à Khartoum, le 3 juin, alors que le Conseil militaire a envoyé la troupe pour disperser les contestataires. © AP/SIPA

Les militaires qui gouvernent le Soudan depuis la chute du président Omar el-Béchir ont annoncé mardi qu’ils annulaient les mesures sur lesquelles ils s’étaient mis d’accord avec les contestataires et ont appelé à des élections dans un délai de neuf mois.

Cette annonce est intervenue au lendemain de la dispersion lundi par les forces de sécurité du sit-in des manifestants qui campaient devant le quartier général de l’armée à Khartoum pour réclamer la transmission du pouvoir aux civils.

L’opération a fait plus de 30 morts et des centaines de blessés selon des médecins proches de la contestation. Le Conseil militaire de transition a pour sa part démenti toute « dispersion par la force » du sit-in et a promis une enquête sur ces événements.

La dispersion du rassemblement a suscité de nombreuses condamnations internationales, notamment des États-Unis et de l’ONU. Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont demandé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette réunion, à huis clos, devrait se tenir mardi, selon des diplomates.

Annulation

La déclaration politique du Conseil militaire de transition a été publiée tôt mardi. Le Conseil « décide de cesser de négocier avec l’Alliance pour la liberté et le changement » (ALC, fer de lance de la contestation), « d’annuler ce qui avait été convenu et de tenir des élections dans un délai de neuf mois », a déclaré le chef du Conseil, le général Abdel Fattah al-Burhane, dans un communiqué diffusé à la télévision officielle soudanaise.

Le général Burhane a ajouté que les élections se tiendraient sous « une supervision régionale et internationale ». L’Association des professionnels soudanais (SPA), acteur clé de l’ALC, a appelé la population à sortir mardi, jour de la fête de l’eid de fin du ramadan selon elle, pour « prier pour les martyrs » et pour « manifester pacifiquement » après la prière.

La date officielle de l’eid el-Fitr a néanmoins été fixée à mercredi 5 juin, selon l’agence de presse soudanaise Suna.

En réaction à la dispersion du sit-in, l’ALC a appelé dans un communiqué à des « marches pacifiques ». L’ALC avait annoncé lundi interrompre « tout contact politique » avec le Conseil militaire après la dispersion du sit-in. Elle avait appelé à « la grève et la désobéissance civile totale et indéfinie » pour « renverser le régime ».

Le Conseil militaire de transition avait chassé du pouvoir le président Omar el-Béchir le 11 avril après des mois de manifestations populaires contre son régime autoritaire. Le Conseil s’était mis d’accord avec les contestataires pour une période de transition de trois ans avant la transmission du pouvoir à une administration civile. Les deux parties avaient aussi décidé que pendant la période de transition, le parlement serait composé de 300 membres dont environ deux tiers proviendraient de l’ALC et le reste d’autres groupes politiques.

Mais les relations entre les deux camps s’étaient tendues à la suite de l’échec le 20 mai des négociations en cours, chaque partie voulant diriger la transition.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a condamné lundi l’usage excessif de la force par les autorités soudanaises et a appelé à une enquête indépendante.

« Opération conjointe »

Lundi après-midi, les nombreux paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) ont été déployés le long des principales routes de Khartoum. Circulant en pick-up, lourdement armés, ils surveillaient les entrées des ponts sur le Nil.

À l’aube, des tirs provenant du lieu du sit-in ont été entendus par un journaliste de l’AFP, qui avait fait état d’un déploiement important des forces de sécurité dans les rues de la capitale.

La SPA a annoncé dans un communiqué « une tentative du Conseil militaire de faire disperser le sit-in par la force ». « Nous n’avons pas dispersé le sit-in par la force », a démenti le porte-parole du Conseil militaire, le général Chamseddine Kabbashi, à la chaîne de télévision Sky News Arabia. Les forces armées et des RSF ont mené « une opération conjointe pour nettoyer certains sites » près du sit-in, a déclaré le Conseil militaire dans un communiqué publié lundi en fin d’après-midi, pointant des « activités illégales » sur ces lieux.

Le Conseil militaire avait récemment dénoncé des débordements autour du sit-in, les qualifiant de « menace pour la sécurité », et avait promis d’agir « avec détermination ». La SPA l’avait accusé « de s’employer à disperser le sit-in pacifique ».

Selon le Comité central des médecins soudanais, les forces de l’ordre ont par ailleurs tiré à l’intérieur de l’hôpital Charq al Nil, près de Khartoum. Juchés sur des pick-ups, plusieurs hommes en uniformes des RSF encerclaient aussi le Royal Care Hospital dans la capitale, où des dizaines de blessés étaient pris en charge dans le hall. Des manifestations ont eu lieu à Kassala, Gedaref, Port-Soudan (est), Sennar et Atbara (centre) où, selon des témoins, des manifestants bloquaient les rues.

À Port-Soudan, des manifestants scandaient des slogans pour « le renversement du Conseil » militaire, selon un habitant.

Dans un communiqué, Amnesty International a appelé la communauté internationale à « examiner toutes les formes de pression pacifique, y compris des sanctions ciblées » contre les autorités, les militaires étant « responsables de la violente attaque de ce matin contre des manifestants endormis ».

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