Kayes : les aménagements hydro agricoles, comme solutions à l’insécurité alimentaire ?

0
1482
Luc Diarra Directeur Régional de l’agriculture de Kayes

« Nous avons un cours d’eau dans la région qui fait 663 km et la production de riz ne dépasse pas 10 % de la production totale de la région ».

Après une campagne agricole 2018-2019, qui se présente nettement supérieure à celle de l’année dernière, M. Luc Diarra Directeur Régional de l’agriculture de Kayes est revenu sur cette campagne marquée par plusieurs aspects : les attaques des oiseaux granivores et de chenilles légionnaires dans certaines localités de la région, la pluviométrie et les techniques pouvant permettre de remédier à l’insécurité alimentaire.
Dans un entretien accordé à KayesKunafoni le 12 décembre 2018 dans les locaux de la Direction Régionale de l’agriculture, M. Diarra lève l’équivoque et fait des propositions. Il donne certaines statistiques sur les cercles en tête de la production agricole dans la région. Suivez son entretien…

Kayeskunafoni: Bonjour M. le Directeur, merci de nous recevoir dans les locaux de votre Direction. Avant d’aborder cet entretien,pouvez-vous présenter à nos lecteurs ?

Luc Diarra : Je suis Luc Diarra, Directeur Régional de l’agriculture de Kayes.

KayesKunafoni : la campagne agricole 2018-2019 a pris fin, quelle est votre analyse par rapport à cette campagne ?

Luc Diarra : Merci pour cette question très opportune. La campagne agricole 2018-2019 s’est déroulée dans des conditions très satisfaisantes. D’abord, sur le plan de la pluviométrie, nous avons enregistré des pluies abondantes, régulières et bien reparties dans le temps et dans l’espace. À part, le cercle de Kéniéba, les hauteurs de pluie enregistrées dans les autres cercles sont supérieurs par rapport à celles de l’année dernière, mais les quantités de pluie recueillies à Kéniéba sont plus importantes que partout dans la région dans un point de vue comparaison. Il faut préciser que cette différence n’a pas eu d’incident sur la campagne dans la localité avec environ 1040 millimètres de pluie tombée. Avec cette pluviométrie, les opérations de semis se sont déroulées de façon normale et sans interruptions majeures.Les objectifs d’emblavures sont aussi liés à la pluviométrie et de façon globale, nous avons atteint nos objectifs parce que les cultures principales que sont le riz, le maïs, mil, le sorgho, etc. , donnent un taux qui varie entre 99 et 117 %. Il faut aussi reconnaître que cette pluviosité jugée très favorable a occasionné des inondations de parcelles dans certains endroits de la région et a affecté quelques producteurs.

Kayeskunafoni : Quelle a été la situation phytosanitaire qui a prévalu durant la campagne agricole de cette année ?

Luc Diarra : La situation phytosanitaire qui peut être un élément défavorable à la campagne était caractérisée par la manifestation d’un certain nombre de déprédateurs. D’abord, il y a eu les sauteriaux qui se sont manifestés dans les cercles de Diéma, Yélimané, Kayes, ensuite l’apparition des chenilles légionnaires qui sont une nouvelle forme de parasites s’attaquant au maïs de préférence. Une forte colonie de ce déprédateur est apparue au niveau des cercles de Kita, Kéniéba, Bafoulabé et Kayes qui sont les bassins de productions de maïs. L’attaque spontanée des oiseaux granivores a causé des dégâts énormes dans le cercle de Nioro et Diéma où on pouvait enregistrer 60 à 100 milles individus par hectare, ce qui nous a amené à sensibiliser les producteurs par rapport à la récolte précoce et cette sensibilisation a permis d’anéantir les effets néfastes de ces oiseaux granivores. Certes, les services de protection des végétaux ont été présents pour contrer ces déprédateurs, mais ce sont tous ces éléments qui nous ont amené à la fin de la campagne.
KayesKunafoni : Avec, tous ces facteurs que vous avez énuméré, que pouvons-nous retenir exactement ?

Luc Diarra : Il faut retenir que la campagne agricole 2018-2019 est jugée bonne, meilleure qu’à celle de l’année écoulée. On peut dire aussi que le bilan céréalier prévisionnel dégage un léger excédent de production contre un déficit énorme de la campagne passée, donc voilà un peu dans quel contexte la campagne s’est déroulée.

Kayeskunafoni : Peut-on dire aujourd’hui que la région de Kayes est épargnée de l’insécurité alimentaire si la campagne semble être bonne ?
Luc Diarra : Oui, ce qu’il faut savoir, c’est que les attaques des déprédateurs et des inondations ont causé une perte d’environ 1000 hectares correspondant à 0,16 % de ce que nous avons cultivé. Il aura de l’insécurité alimentaire dans certaines zones. En faisant la cartographie du bilan céréalier qui se dégage, on se rend compte que les cercles de (Kéniéba, Kita et Bafoulabé) sur les 7 cercles que compte la région sont autosuffisants, ils sont en tête de production. La production régionale est tirée par ces cercles. Kita produit 46 % de la production régionale suivie de Kéniéba 17 % et Bafoulabé 13 %.À part ces 3 cités, les autres cercles sont déficitaires, il faut le dire. Si les résultats de l’enquête agricole de conjoncture se confirmaient, il faudrait comprendre par là que la région n’est pas entièrement à l’abri de l’insécurité alimentaire. En prenant la production globale et en la répartissant théoriquement entre la population, on se dit que nous dégageons un léger excédent, mais cela ne voudra pas dire que ça va dans toutes les familles.

Kayeskunafoni : Que faut-il pour renforcer ce léger excédant ?

Luc Diarra : Ce qui va renforcer ce léger excédent, c’est le système de culture de décrue qui est favorable à la région dans les zones de Yélimané et Kayes où la population a la facilité de pouvoir récolter le maïs, le sorgho et le niébé, en plus des cultures maraîchères de contre saison qui en cours de réalisation en ce moment.

Kayeskunafoni : Les inondations et les autres facteurs, ne sont-ils pas des effets du changement climatique qui ont joué fortement en défaveur de la campagne ?

Luc Diarra : On ne peut pas nier le fait du changement climatique qui peut se manifester sous plusieurs formes comme par exemple des années de grandes pluviométries ou aussi des années de longues sécheresses. Cette hypothèse n’est pas à écarter, mais pour que nous arrivions à survivre, la solution est d’aller plutôt vers la résilience face à ce phénomène naturel.

Kayeskunafoni : Quel appel avez-vous, à l’endroit des populations de Kayes ?

Luc Diarra : Je dis tout simplement que si nous produisons bien et que nous gérons mal, on se retrouvera toujours dans la case de départ. Tous ceux qui auront la chance de me lire à travers cet article, qu’ils pensent à l’autogestion. Il ne sert à rien de brader nos productions, car malgré les charges, nous avons aussi le devoir de nourrir nos familles. Qu’on fasse la part des choses pour savoir réellement la quantité suffisante pour le besoin alimentaire de la famille et sortir le reste après, séquentiellement pour profiter des prix sur le marché. J’appelle aussi à ceux qui pensent que leur production ne peut pas atteindre l’année prochaine, de constituer des stocks, c’est la période, les prix sont assez favorable maintenant afin d’éviter que leur famille tombe dans des conditions difficiles d’alimentation. Merci pour cette initiative qui permettra à l’ensemble de la population de Kayes et au-delà d’être informé. Je pense qu’il faut maintenant aller vers des technologies innovantes pour mettre la population à l’abri du risque de l’insécurité alimentaire. Mon dernier appel va à l’endroit de la diaspora Kayesienne, nous avons un cours d’eau dans la région qui fait 663 km et la production de riz ne dépasse pas 10 % de la production totale de la région. Il suffit simplement qu’on s’oriente vers les aménagements hydro agricoles qui sont des dispositifs péreins de développement de notre agriculture. Notre agriculture, est aujourd’hui tributaire de la pluviométrie, si nous essayons de maîtriser les eaux, nous avons la forte chance de tirer définitivement la population de l’insécurité alimentaire. Le riz est la spéculation qui produit le plus de tout ce que nous faisons, donc j’en appelle aux autorités décentralisées (conseil régional, conseil de cercle) et au gouvernement à changer de stratégies pour faire face aux aménagements hydro agricoles qui sont les moyens adéquats face à l’insécurité alimentaire.
Kayeskunafoni : M. le Directeur, mercie pour avoir accepté répondre à nos questions.
Luc Diarra : C’est moi qui vous remercie.

Entretien réalisé par Michel Yao

LAISSER UN COMMENTAIRE

SVP ! Entrez votre commentaire
Veuillez entrer votre nom ici